Réconciliation·Violence

La réconciliation au Rwanda : un projet de guérison collective

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Depuis quelques années, nous formons des personnalités de la société civile rwandaise ainsi que des animateurs de processus de réconciliation qui font se rencontrer des ex-génocidaires et des rescapés contraints désormais de vivre ensemble.

L’apport de l’Institut Charles Rojzman au Rwanda consiste à former par la Thérapie sociale des acteurs sociaux appelés à intervenir à tous les échelons de la société rwandaise : écoles, dispensaires, prisons, pénitenciers où sont détenus les acteurs du génocide, communautés villageoises, etc… Cette formation vise, selon ses organisateurs, au « renforcement de la capacité à vivre ensemble et à la promotion de l’harmonie familiale au Rwanda par la Thérapie Sociale ». Face aux difficultés rencontrées sur le terrain dans le travail de rapprochement des rescapés et des bourreaux du génocide au Rwanda, l’Institut Charles Rojzman a formé aux outils de la Thérapie Sociale des professionnels d’un association locale, l’AMI. Cette expérience s’est révélée très positive et des impacts avérés ont été constatés dans le cadre de la restitution concertée des biens pillés durant le génocide, une étape qui pourtant génère de très importantes tensions sociales dans le pays. Notre méthode est utilisée depuis 2010 dans différentes zones d’intervention afin de contribuer au renforcement du processus de réconciliation et à la promotion familiale.

12 groupes antagonistes de rapprochement de rescapés et d’ex-prisonniers (6 groupes) et de couples souffrant de violences domestiques (6 groupes), soit 600 personnes, ont été suivies intensivement. Par démultiplication, 3600 bénéficiaires ont également profité de notre travail.

Cette formule présente l’avantage de pointer immédiatement ce qui pourrait apparaître comme un grand écart entre deux niveaux de réalité sur lesquels la thérapie est censée intervenir : les conséquences dramatiques du génocide d’un côté, les violences intra-familiales de l’autre. Or, l’un des aspects les plus intéressants de notre travail de Thérapie Sociale est justement de ne pas déconnecter ces niveaux : il n’y a pas d’un côté les séquelles dramatiques du génocide qui seraient dignes de toutes les attentions des spécialistes internationaux, et de l’autre des violences banalement quotidiennes que l’on pourrait laisser aux praticiens et acteurs sociaux africains. La violence génocidaire et la violence des rapports sociaux usuels coulent de la même source et risquent de s’alimenter réciproquement dans un processus de répétition à l’infini. La violence génocidaire, même si elle résulte de déterminants historiques complexes, est aussi l’expression ultime, paroxystique, de la violence ordinaire, celle de la cour de l’école, des conflits de voisinage ou conjugaux. Les violences collectives se préparent longtemps à l’avance, avant de se déchaîner par l’effet d’un changement de régime politique. La période d’incubation peut durer plusieurs décennies: un climat de méfiance entre communautés, des haines accumulées, des populations qui se côtoient sans s’estimer et se respecter, tout cela peut constituer un potentiel explosif de violence.

Le génocide, à bien y regarder, n’est autre que la conséquence ultime et monstrueuse d’une imbrication de diverses formes de violence aux déterminants multiples : le réduire à un embrasement interethnique aussi soudain qu’indéchiffrable, ou bien à un règlement de comptes social sur fond de rivalités économiques, ou encore à une conséquence annexe de soubresauts géopolitiques dans la région des Grands Lacs, c’est s’empêcher d’en voir les ressorts psychiques universels, donc d’en tirer les leçons pour nous. 

L’exemple du Rwanda nous invite à prévenir dans la mesure du possible ces violences collectives en comprenant les mécanismes permanents qui peuvent conduire aux pires massacres quand les circonstances requises sont réunies.